ALAIN PEYRONNET ET JEAN-FRANÇOIS TRESSOL

Quelle formation au transfert pour quelles actions à visée transdisciplinaire à l'école élémentaire ?



Cette contribution évoque d’abord le contexte d’apparition d’une notion porteuse en éducation : le transfert. On rappelle un inéluctable changement culturel ainsi qu’une parenté de réactions dans le monde des savants et celui des enseignants. Cet article recourt également à l’étymologie afin de témoigner des principales résonances du terme transfert. On signale une inscription lexicale ancienne, des variations sémantiques selon les disciplines et une spécification pédagogique tardive. La présente étude montre ensuite l’importance en formation I.U.F.M. - 1er degré - d’un ajustement sur ce que l’on entend par transfert d’apprentissage. On rend compte de pernicieux décalages dans les convictions, notamment entre chercheurs et praticiens. On incite à réduire ces distances en exploitant une définition susceptible de traverser les données théoriques et empiriques. Ce travail ouvre enfin sur des propositions concrètes pour former au transfert d’apprentissages. On privilégie quelques actions en didactique des sciences en visant des bénéfices transdisciplinaires.


Contextualisation

La fin du XXème siècle a permis d’observer des choses bien insolites. Nos contemporains, trempés par les technosciences et la laïcité, accordent une étrange attention au spirituel. Après des décennies d'opposition raison/croyance, de curieux et multiformes dialogues perturbent jusque dans la place savante. L’idée de retrouvailles partage les individus entre éblouissement (adhésion inconditionnelle) et rejet (refus a priori). On se souvient sans doute des colloques de Washington (1974), de Cordoue (1979) et de Tuskuba (1985)… Ces réactions, mal contrôlées, répondent à une inquiétude que l’on a peu interrogée.

Le travail du sociologue E. Morin (1991) s’avère ici particulièrement utile. Ce dernier a en effet étudié l’évolution du connaître à partir du terme remanié de paradigme. Il le présente à la fois comme réservoir matriciel et gouvernail invisible dans la vie des idées. Infalsifiable, occulte, et exclusif, celui-ci crée de l’évidence, génère un sentiment de réalité, détermine une vision du monde. On redécouvre avec cet auteur que plusieurs paradigmes peuvent coexister au sein d’une même culture, soumis parfois à une hiérarchie. Ainsi, en Occident, les conceptions du matérialisme et du spiritualisme n’obéissent pas seulement à deux rivaux. Ceux-ci sont eux-mêmes branches d’un plus grand, lequel les englobe. C’est un modèle-maître1. Or, ce dernier, imposé par les développements de l’histoire européenne depuis le XVIIème siècle, bat aujourd’hui de l’aile. Les formalismes révèlent leurs limites, on se retrouve partout déstabilisé, poussé à complexifier. La situation est d’autant plus préoccupante que la place de ce monarque parmi les paradigmes reste désespérément vacante. Plusieurs générations pourraient d’ailleurs s’avérer nécessaires au renouvellement. Une telle crise dans les fondements, parce que fortement anxiogène, peut rendre diversement excessif (notamment déverrouillage et autisme).

Dans cet entre deux culturel, il convient néanmoins d’avancer. Or, un préfixe bénéficie d’une audience manifeste : le trans. Ce dernier appelle à prendre de la hauteur, à faire circuler l’information et à relier de l’intérieur. Les chercheurs, sensibles à cette nécessité d’une ouverture dynamogénique, sont de plus en plus nombreux à se tourner vers une transdisciplinarité.

Ce trouble diagnostiqué dans la civilisation des idées se retrouve dans le champ de l’éducation. Une fragilité humaine pointe à nouveau. D’étranges volte-face dans les recommandations officielles scandent la scolarité de ces dernières décennies. Se succèdent notamment des images contrastées de l’enfance, du type d’homme à former, des contenus… L’appel aux transformations semble là encore rencontrer quelques embûches. On se rappelle, particulièrement en didactique des sciences, l’échec des pédagogies de l’observation, de l’éveil, de l’action… Malgré de nombreuses incitations, on reconduit souvent des procédures dépassées2.

Les analyses du pédagogue G. Avanzini (1975) peuvent éclairer ce pendule et cette répétition. À ses yeux, les raisons d’un maintien dans les pratiques se lisent déjà dans les avantages procurés. Personne n’est dupe… Éduquer autrement revient moins à modifier les techniques qu'à se transformer soi-même. Or, devant l’ampleur et le risque de l’entreprise, la plupart hésite. Cette peur de l’inconnu, inavouée, s’intensifie d’ailleurs avec la perception d’une entrave objective. Car notre temps affiche une dilution progressive des finalités. En dépit des efforts de J. Ferry pour faciliter l'unanimité idéologique, l’évolution s’est opérée dans le sens d'une dislocation. L’institution ne dispose plus d’un creuset à idéaux suffisamment fédérateur. Cela ne veut pas dire que les recherches et les initiatives sont interrompues. Au contraire, elles se poursuivent avec vigueur. Mais leur disparité est telle que cette réaction finit par aggraver le blocage. En fait, ne sachant plus ce qui est vraiment poursuivi, on balance entre immobilisme et désordre. Et c’est dans cette conjoncture difficile que l’idée de trans retrouve audience. Dans une logique un peu floue d’attitude, de connexion et de traversée, on parle de transversalité, de transposition, voire de transprojet.

Ainsi, entre école et société, il y a parenté de malaise. La perte des anciens repères insécurise, rend réactif, ou inhibe. Là encore l’exploration du trans mobilise.


Orientation

S’il est une notion qui trouve aujourd’hui bon accueil dans les discours et la littérature à portée éducative, c’est bien celle de transfert. Ce regain d’attention n’est pas neutre. Un petit détour par l’étymologie suffit à s’en convaincre. Quand on utilise le vocable de transfert, on entre en effet dans l’ombre latine du verbe transférer. Cet emprunt, rappelle André Rey (1992,2153), remonte à l’année 1355. Or, transferre, signifie ordinairement l’action de porter au-delà, de faire passer d’un lieu à un autre. Il a souvent été remplacé par l’ancien français translater (1115), exprimant encore le transport en un autre lieu. Resté rare dans la langue courante, le verbe transférer a reçu au XVème siècle une spécification juridique. On transmet notamment la propriété (bien, droit) d’une personne à une autre (1550). Depuis la fin du XIXème siècle, il s’est vu employé dans le domaine abstrait des sentiments.

Comme nom, le transfert a d’abord une signification commerciale (latinisme de comptable, 1725). Ce n’est qu’à partir du XIXème siècle qu’il désigne couramment, en tant que déverbal, un déplacement d’un endroit à un autre (1874). Il s’est ensuite spécialisé dans les langages de la médecine (1880) et de la psychologie (1896), auparavant en psychophysiologie (1879). En psychanalyse, il sert à traduire l’allemand Übertragung (Freud, 1905). Il s’emploie aussi en photographie (1933, papier-transfert) et dans les arts graphiques en technique industrielle (1949). On le retrouve dans le domaine sportif (1936, transfert d’un joueur) et à propos de l’activité sensori-motrice (dès 1858, transfert intra puis inter-sensoriel, enfin transfert bilatéral). Il entre sur la scène du pédagogique dans les années 70. Son exploitation suggère parfois un déplacement vers l’extérieur (transfert culturel). Plus régulièrement il s’agit de réinvestissement par l’apprenant (transfert de connaissances, d’apprentissages).

Concernant le préfixe du mot transfert, il faut signaler qu’il se range dans la catégorie des formes savantes disponibles. Cela veut dire qu’il fait partie de ceux (infra, pro, sub, super, ultra…) dont l’activité actuelle récuse la considération du latin comme langue morte. Le trans signifie essentiellement au-delà, par delà de. En composition, à côté du sens de au-delà, il a aussi la valeur de part en part et marque le changement total (jusqu’au transfigurer). Ce qu’il exprime en français équivaut à ces trois idées. La première se retrouve dans transalpin (au-delà), la suivante dans transsibérien (à travers), la dernière dans transformation (en modifiant).

En résumé, le mot laisse entrevoir un fort potentiel. On y décèle notamment un mouvement horizontal, voire ascendant, capable de générer du changement. De plus, la trajectoire laisse également augurer d’une possibilité de dépassement sans fin. L’horizon qu’il fait clignoter ne pouvait laisser indifférent…


Formation

De nos jours, les acteurs scolaires ont tous une idée quant à la notion du transfert, du moins lorsque celui-ci concerne les apprentissages. Mais que sait-on vraiment de ces connaissances empiriques déjà constituées et de ces convictions subjectives ? Quels regards portent les enseignants, mais aussi les formateurs et les chercheurs, sur le transfert en éducation ? À l’instar de Bachelard, nous nous sommes attachés à identifier leurs conceptions et à proposer une typologie des certitudes sous jacentes. Cette préoccupation peut de prime abord surprendre. Pourtant, à qui s’attache aux processus et aux contenus de formation ces données s’avèrent déterminantes. Comment sensibiliser à la problématique du transfert sans prendre en compte les croyances premières et les présupposés savants ? Comment autoriser l’accès aux avancées de la recherche et aux succès obtenus sur le terrain sans s’ajuster à ce déjà-là ? Comment former à des pratiques transférogènes sans s’être assuré d’une modification significative des schémas explicatifs de l’auditoire ? Ce diagnostique, cet ajustement et cette transformation requièrent une psychanalyse. Non pas celle de type freudien, axée sur l’affectivité, mais plutôt celle de Bachelard, ciblée sur la connaissance objective. Ils répondent par ailleurs au souci de tout formateur exigeant, à savoir : faire trace opératoire !

Dans un processus de formation valorisant le transfert des apprentissages, la première préoccupation est d’interpeller le public. L’intervenant le fera à travers un double registre : ce qui mobilise secrètement les chercheurs, ce qui anime plus ou moins consciemment les praticiens. Cela donnera lieu à deux types d’action : informer de certains présupposés dans les théories, prélever les représentations dans les pratiques. La première démarche du formateur fait suite à un examen signifiant de la littérature francophone contemporaine sur l’objet transfert. Ce travail nécessite de procéder à une revue de question. S’y enroulent principalement les travaux de J.P. Astolfi, P. Boutinet, D. Bracke, J. Del Guidice, M. Develay, P. Jonnaert, P. Mendelsohn, P. Meirieu, P. Perrenoud, J. Tardif. Une méthode qualitative permet de comparer les conceptions et de les articuler autour de cinq grandes convictions. Elles se déclinent de la manière suivante : fondement discutable, pari ou exigence, tissage de lien, transformation créatrice, flexibilité productive.

La première conviction est celle du sceptique. La notion de transfert reste trop hypothétique, floue, fantasme de solution, voire imposture intellectuelle et s’avère finalement peu opératoire (on la retrouve notamment chez B. Charlot, P. Jonnaert, B. Lahire, A. Peyronnet…). La suivante, celle du militant, pose cette notion comme un pré requis au métier d’éduquer et/ou comme un tremplin pour agir efficacement (particulièrement chez J.P. Astolfi, M. Develay, P. Meirieu). Parfois, l’engagement aboutit à une véritable modélisation (par exemple chez D. Bracke, J. Tardif). La troisième conviction est celle du relieur. Le transfert affirme l’importance des liens contextuels, notionnels, réflexifs et interpersonnels. Il s’associe régulièrement aux concepts de projet, métacognition, compétences et médiation (on retrouve cela chez P. Boutinet, P.A. Doudin, P. Perrenoud). L’avant dernière, celle du hisseur, privilégie l’intégration majorante. La notion de transfert renvoie directement à la logique d’adaptation piagétienne. Elle suggère de résoudre les problèmes en transposant et en innovant (Ce regard est notamment celui de J. Fiard et M. Récopé ou de J. Del Guidice). La cinquième est celle de l’évolutionniste. Dit autrement, le transfert témoigne d’une disposition à l’ajustement, une plasticité quasi-constitutive. Le besoin d’adaptation a généré une aptitude à répondre à toute situation, à l’image de la fonction qui crée l’organe chez Lamarck (E. Auriac, P. Higelé).

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Ces cinq grandes convictions ne sont pas exclusives les unes des autres. Il arrive que les déclinaisons théoriques des auteurs les croisent (par exemple, celles du militant, du relieur et du hisseur transpirent chez D. Bracke et J. Tardif). Par ailleurs, quelle que soit l’option dominante, l’apprentissage reste omni-présent. Ce dernier est toujours une condition ou un processus ou encore un résultat (ce renversement de perspective mériterait sans doute d’être approfondi…).

Fort de cet éclairage quant aux présupposés dans les théories, le formateur se tourne ensuite vers les conceptions de son public. À cet effet, il dispose d’un éventail d’outils diagnostiques. Ceux retenus par notre équipe sont des questionnaires de trente-six items. Ils regroupent les représentations régulièrement considérées comme erronées et celles jugées vraisemblables concernant le transfert d’apprentissage. Chaque enseignant interrogé (stagiaire IUFM ou titulaire) est amené à se positionner selon une échelle à six valeurs (de tout à fait d’accord à absolument pas d’accord).

Le dépouillement et l’analyse mettent à jour deux modèles explicatifs majeurs. Le premier, dominant chez les stagiaires, lie le transfert au préalable d’une particularisation des apprentissages. Le rôle du maître est celui d’un donneur d’occasions variées qui facilitent le raisonnement analogique. Importe ici de privilégier une contextualisation des connaissances. L’élève est l’acteur principal, il repère les similitudes, établit des liens et développe des compétences. L’organisation cloisonnée de l’école est un frein important et la portée du transfert reste limitée à l’exigence scolaire. Le second, dominant chez les titulaires, fait reposer le transfert sur une généralisation des apprentissages. Le maître est cette fois l’acteur principal. Son rôle est celui d’un intervenant expérimenté qui facilite le développement d’un capital de connaissances diverses. L’élève est considéré comme transféreur à proportion de son intelligence. L’organisation actuelle de l’institution scolaire n’est pas limitante et le transfert d’apprentissage est envisagé au-delà des murs de l’école.

L’examen de cette répartition bipolaire autorise l’extraction de cinq grandes convictions. Elles se déclinent comme suit : fondement contesté, espoir ou désir, rejeton d’une capitalisation, occasion de bricolage, réinvestissement direct.

La première conviction est celle du défensif. La notion de transfert reste un effet de mode. L’usage en est opportuniste, c’est un fantasme de pédagogue. Mieux vaut se concentrer sur les acquisitions fondamentales autour du dire, lire, écrire, compter. La suivante, celle de l'optimiste, vit cette notion comme un dopant de l’action éducative. Le transfert se manifeste pour peu que l’on y croie, voire que l’on se donne les moyens de le favoriser. Il témoigne ainsi de la qualité de son engagement, voire de la pertinence de son enseignement. La troisième conviction est celle du boulimique. Le transfert affirme l’importance du nombre des connaissances pour construire. De la compilation des contenus doit naître une disposition à outre passer le contexte initial des apprentissages. L’avant dernière, celle du bricoleur, privilégie l’adaptation qui implique. La notion de transfert renvoie directement à la logique d’un projet ajusté. Elle suggère une transformation majorante chez le sujet en modifiant son environnement pédagogique et didactique. La cinquième est celle du répliquant. Dit autrement, le transfert témoigne d’une compulsion à la reproduction. L’injonction à s’adapter a généré une aptitude à répondre avec du même à toute situation nouvelle.

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Encore une fois, ces cinq grandes convictions ne sont pas exclusives les unes des autres. Il arrive que les déclinaisons théorico-pratiques des enseignants les croisent (par exemple, celles de l’optimiste et du bricoleur). Par ailleurs, quelle que soit l’option qui domine, l’apprentissage reste leur première préoccupation.

Quand les convictions des uns et des autres sont enfin identifiées, le formateur peut véritablement commencer son action. Il débute par une information sur celles des chercheurs et poursuit avec un retour sur celles du public réuni. Cette présentation révèle rapidement un décalage dont on peut tirer profit. Même chez des professionnels de l’éducation, des présupposés existent. Chez les théoriciens, elles constituent autant de faces cachées aux modélisations. Chez les praticiens, elles préexistent à toute formation et à toute mise en œuvre. Cette confirmation facilite l’accueil d’un incontournable : on doit s’ajuster avant d’agir. La forme pronominale invite le formateur à ne pas s’oublier. Lui aussi est porteur de prêt à penser dont il ne peut faire l’économie.

Ce travail supplémentaire réclame une fois de plus de porter attention aux convictions des intervenants en IUFM3. Nous avons donc interrogé ceux de l’antenne clermontoise (2003) attachés à la formation des professeurs d’école. Une douzaine a répondu présent (M. Amiot, E. Auriac, N. Bouculat, A.M. Doly, A. Esbelin, R. Goigoux, J. Magne, M.C. Paquet, F. Fernandez, J. Perbet, P. Sève, M.C. Toczek-Capelle). Une méthode qualitative permet à nouveau de comparer les conceptions et de les articuler autour de cinq grandes convictions. Elles se déclinent de la manière suivante : fondement suspect, nécessité ou évidence, inhérence disciplinaire, idée mobilisatrice, processus méconnu.

La première conviction est celle du suspicieux. La notion de transfert ne renvoie à rien de tangible sur le plan théorique et offre peu d’échos dans le champ de la pratique. Cette problématique demeure à la marge des préoccupations du formateur, concentré sur les grandes fonctions mentales (un représentant en psychologie sociale). La suivante, celle du convaincu, pose cette notion sous trois angles. Elle renvoie tantôt à un questionnement typique de l’enseignement, tantôt à un processus allant de soi, tantôt à une justification à rebours d’une posture de formateur. (par exemple en sciences de l’éducation, mais aussi en sciences de la vie et de la Terre). La troisième conviction est celle du spécialiste. Le transfert existe mais va se penser essentiellement au sein d’une discipline d’enseignement. La hiérarchie des urgences dans la formation limite souvent l’action autour de ce qu’il n’est pas permis d’ignorer dans sa spécialité (Cela vaut en français, en mathématique ou encore en histoire-géographie). L’avant dernière, celle de l’impliqué, privilégie l’appropriation accompagnée. Le transfert, pour faire partie des pratiques enseignantes, doit d’abord dynamiser les actions de formations. Trois modalités sont retenues : la modélisation, le compagnonnage et l’analyse des pratiques (présente en sciences de la vie et de la Terre, psycholinguistique, histoire-géographie et sciences de l’éducation). La cinquième est celle de l’intuitif. Le transfert ne répond pas à une définition précise, mais est apparenté à une opération mentale. Des effets de réinvestissement sont manifestes même si ce qui les détermine reste mal identifié. Le rôle du formateur est d’inciter par l’exemple à la création d’un environnement didactique riche et varié (On la retrouve en français et en sciences de l’éducation).

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Ces cinq grandes convictions ne sont pas représentatives d’une ou plusieurs discipline(s). Néanmoins, l’appartenance à un champ de référence pèse à la fois sur la perméabilité des formateurs à la notion de transfert et sur son instrumentation didactique. Si le développement des compétences professionnelles est bien le souci commun, une distance se maintient au niveau des présupposés et des ambitions entre généraliste et spécialistes.

Le formateur est dorénavant éclairé sur ses pairs comme sur lui-même. Sa volonté, redisons-le, est de s’ajuster à son public. Le préalable que constituent ces trois typologies peut maintenant donner corps à un contenu signifiant de formation. La confrontation des classifications chercheurs / enseignants va d’abord autoriser un certain nombre de retours puis une définition psychanalysée du transfert.

Certaines compatibilités semblent directement exploitables : figures du sceptique et du défensif, du militant et de l’optimiste. Pourtant seule la seconde comparaison permet une rapide adaptation. Du pré requis au dopant il n’y a en effet qu’un pas, d’ordre théorique. En revanche, la première mise en perspective recèle un obstacle sous-jacent initial. Si le sceptique insiste sur l’aspect trop hypothétique de l’objet, le défensif recourt à un frein de type misonéiste. C’est celui qui, pour justifier le fait qu’on ne s’intéresse pas à un levier moderne, suggère de le noircir (élan du moment, fantasme). On comprend alors que le pontage ne sera pas de même nature. Pour celle qui pose le moins de difficultés, on se contentera d’une information complémentaire (précisions quant aux modélisations proposées par les chercheurs militants). On invitera aussi à pointer dans l’impulsion théoricienne une réaction forte au vide conceptuel ainsi que certaines ruptures avec les attentes du concret (optimisation de l’action). Pour l’autre, il faudra érailler la conviction misonéiste en rappelant l’inscription historique de la notion de transfert (contexte d’apparition, réserves épistémologiques). On s’attardera également sur le sens et la portée de la condamnation sceptique (absence de fondement certes mais au regard d’un type d’approche et d’indicateurs particulièrement valorisés. Notion trop hypothétique sans doute mais le dossier reste ouvert).

Il convient également de réduire des distances manifestes : figures du relieur et du boulimique, du hisseur et du bricoleur. Là encore seule la seconde autorise un rapprochement rapide. De la source dynamogénique au ressort majorant il n’y a guère qu’un changement de perspective, liée à la modélisation pour l’un et aux projets concrets pour l’autre. En revanche, la première confrontation dévoile un nouvel obstacle. Si le relieur cultive une vision renouvelée, aérée et reliante de l’apprentissage, le boulimique mobilise une intuition digestive ancienne. C’est celle où s’affirme l’idée préscientifique d’une nourriture nécessaire pour agir. Cette fois, le pontage appelle une forme encore différente. Pour celle qui pose le moins de problèmes, on insistera sur l’importance du regard que l’on porte sur l’enfance quand on souhaite aider à en sortir (des ambitions déclarées à la dévolution effective). On rappellera aussi que la richesse du milieu extérieur ne favorise la structuration intérieure qu’à l’écho d’une clarté cognitive (finalités, but, objectifs, compétences, programmation, évaluation). Pour l’autre, on pondèrera la croyance dans le tissage de liens en évoquant puis en précisant ce qui limite le possible (différence irréductible, rapprochements compulsifs, communication à l’autre et à soi-même surestimée…). Il faudra également égratigner la conviction dans le remplissage préalable, de type combustible (sensibilisation à une origine cénesthésique, à la résonance digestive, au sentiment de l’avoir…).

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L’ensemble de ces ajustements peut ouvrir sur une autre définition de la notion de transfert. Sa formulation respecte la classification en cinq grandes catégories :

1) Le transfert est une notion épistémologiquement instable mais pédagogiquement porteuse ;

2) Le transfert est une notion diversement modélisée mais imparfaitement instrumentée ;

3) Le transfert est une notion manifestement source de liens mais pas proportionnellement aux connaissances ;

4) Le transfert est une notion vraisemblablement source d’adaptation majorante mais pas sans un environnement riche et clair ;

5) Le transfert est une notion probablement source d’ajustements multiples mais avec ambition de renouvellement.

Si les caractères présentés semblent familiers, l’exigence qui les dynamise a changé. Rien n’est cette fois parachuté. On a satisfait à des préalables (prendre en compte les lectures des chercheurs et les convictions des différents acteurs). Les conceptions des enseignants (et du formateur) ont été bousculées puis transformées (un second diagnostic en attestera).

On devra enfin forcer la différence entre les deux dernières figures : celles de l’évolutionniste et du répliquant. On se heurte ici à un troisième obstacle sous-jacent. Il s’agit au niveau du praticien d’un enfermement dans la logique du même. Si l’évolutionniste promeut une disposition à l’ajustement, le répliquant s’enferre dans une réduction préjudiciable. C’est celle où se conforte l’idée que la transposition adéquate se résume à la répétition systématique. De fait, le pontage nécessite une intervention circonstanciée. La conviction en une plasticité quasi-constitutive peut être relativisée jusqu’à ce qu’elle n’apparaisse plus que comme un horizon désirable (plus grande disponibilité mentale). La croyance dans la reproduction pour s’adapter, version calque, doit être lézardée (rappel de la diversité structurale, de la variété environnementale, du régime monomaniaque dans l’identique…), puis transformée (substitution de la pensée complexe à la logique réductrice du même).

On s’apprête maintenant à convaincre d’un recadrage (pertinence de la redéfinition subséquente du transfert d’apprentissage). L’ambition est ici d’ouvrir sur des propositions concrètes susceptibles de renouveler les pratiques d’enseignement. Pour former aux nouvelles mises en œuvre nous retiendrons un phénomène subsumé fondateur pour la pensée et un modèle d’apprentissage alternatif.


Action

Bachelard a promu un rationalisme qui a pour principale caractéristique d’être résolument ouvert. Il incite à provoquer le réel, à dénoncer les sommeils de l’esprit. En période de crise, à l’image de celle que traverse actuellement la culture et notamment l’éducation, cela invite d’abord à dédramatiser. Loin de se réduire à une catastrophe, voire à une décadence, ces problèmes offrent en fait une occasion d’élargir la raison. On sait que le philosophe dijonnais a principalement exploré deux axes de travail. Ce sont l’objectivation scientifique (thèse de 1928, La formation de l’esprit scientifique…) et l’adhésion subjective (L’eau et les rêves, L’air et les songes…). Dans sa psychanalyse du savoir savant, il insiste sur les obstacles que constituent le substantialisme et l’animisme. Dans son ouvrage La psychanalyse du feu (1938) il confirme les dangers des impressions primitives, des intuitions personnelles et des rêveries nonchalantes. Son examen de la fascination humaine pour tout ce qui touche au feu révèle que ce dernier a sans doute constitué le premier phénomène pour la réflexion. Ce statut accordé au pyromène nous suggère de le retenir comme tremplin pour arracher l’esprit au narcissisme que donne l’évidence première. Il sera exploité a à la fois comme objet d’accroche, d’enseignements, et de transferts.

André Giordan et son équipe (L.D.E.S., Genève) invitent depuis une trentaine d’années à renouveler la pratique enseignante. Résolument centrée sur l’apprenant, leur approche allie interaction et élaboration mais aussi intégration et interférence (démarche de type systémique). Elle a été vulgarisée sous l’appellation de modèle d’apprentissage allostérique (métaphore biochimique). On travaille ici à une transformation des schémas explicatifs enfantins à travers le repérage d’obstacles à la compréhension. Pour y parvenir, neuf conditions sont au moins réclamées. Ce sont 1°) de recentrer sur ce qu’est et connaît déjà l’élève, 2°) de partir de ce qui le touche, le concerne directement, 3°) de prélever ce qui est déjà présent dans les têtes, 4°) d’offrir un retour sur ces connaissances préexistant à la situation scolaire, 5°) de faire confronter activement ces acquis antérieurs, 6°) de créer des outils spécifiques tout en disposant de ressources suffisantes, 7°) d’introduire en périodes de confort des paramètres déstabilisants, 8°) d’aménager des niveaux différents dans la formulation de concepts, 9°) de favoriser la mise en œuvre d’un savoir sur le savoir (métacognition). Nous nous inspirerons de cette tentative portée par des chercheurs en didactique pour lutter contre les freins de l’animisme et traverser les disciplines.

Ces deux supports vont être associés pour dégager un projet (de formation) qui prendra corps dans un atelier en didactique des sciences (sur le terrain).

L’intervenant reprend à cet effet les caractéristiques 3), 4) et 5) de sa redéfinition du transfert d’apprentissage. Pour la première (tissage non proportionnel aux acquis), il introduit le pyromène bachelardien comme objet privilégié. Il se sert de la sourde permanence quant à l’idolâtrie du feu pour sensibiliser à la prégnance des convictions sous-jacentes et à la facilité des pontages. Il en profite pour rappeler que si les premières sont sources de lien, elles n’en parasitent pas moins un ensemble de domaines qui vont de la rêverie à la chimie en passant par la biologie et la psychologie. De fait, tout lien ne sera pas légitime (surveillance recommandée). Il utilise également le pyromène pour rappeler aux professeurs que ce qui limite l’entrée de leurs élèves dans le savoir savant est de connaître déjà bien des choses. Il ébranle au passage les deux fantasmes symétriques que sont l’horreur du vide et la valorisation de la virginité. L’appropriation de contenus ne relève pas d’un remplissage systématique, et ne se résume pas à inscrire sans délai ni ratures la vérité sur une table rase.

Pour la deuxième particularité (adaptation majorante si environnement riche et clair) le formateur inscrit le pyromène dans un programme baptisé Science et fiction (promotion locale depuis 1999). Là, le modèle allostérique sur l’apprendre inspire largement, de nombreuses sollicitations bousculent déjà le rapport aux objets et au savoir (origine de notre planète, vie extraterrestre, acquisition des connaissances, automatismes du corps…). Il exploite plus particulièrement un atelier appelé Chimie contre magie, où des tours (réalisés par Supermagix) puis des expériences (menées par Miss Scientifix) se rejoignent quant à l’effet obtenu. La rencontre qui va opposer sur l’extinction durable d’une bougie lui sert à replonger son groupe en situation d’apprentissage (deux options à confronter, quelques produits à identifier, une réaction à redécouvrir…). Il insiste alors sur les investigations multiples, les structurations régulières, les déstabilisations ponctuelles et surtout sur la fréquence des mobilisations. Cette immersion dans les étapes qui dynamisent la construction en suscitant de nombreux transferts rend plus exigent. On comprend que rien ne marche ici sur un mode vertical. De même qu’une multitude de structures s’enchevêtrent et interagissent dans le cerveau, les liens qui sont volontairement initiés et tissés participent du développement de la pensée. L’intervenant souligne enfin l’importance du matériel mis à disposition, des activités à mener parallèlement (via l’informatique, les arts plastiques, la logique…), de la transparence dans l’accompagnement. L’enseignement doit organiser des conditions et l’éducateur aider à dépasser son cadre de questionnement, sa façon de raisonner, ses références. Cela permet d’entendre que les liens qui font grandir ne sont jamais ceux que l’on cultive dans le simple prolongement d’une curiosité naturelle ou encore en installant confusément dans l’abstraction.

Pour la dernière caractéristique (ajustements pluriels mais avec ambition de renouvellement), le formateur met encore à profit l’implication de son public dans l’atelier Chimie contre magie. Il rappelle l’écho omniprésent du feu et précise la progression des séances (la bougie qui se rallume à distance, la bougie qui s’éteint et ne se rallume plus, le feu qui dessine…). La première, par exemple, sensibilise à la présence masquée d’un combustible (cire vaporisée). La deuxième témoigne de l’impossibilité de la combustion sans comburant (milieu chargé en gaz carbonique). La suivante atteste de la possibilité d’un contrôle relatif de la propagation des flammes via le dépôt d’un combustible invisible (nitrate de potasse). Il montre combien cette succession de séances autorise à chaque nouvelle proposition un gain dans la compréhension des propriétés physiques du pyromène. Il convainc également du bénéfice en terme d’adaptation à la variété des manifestations ignées. L’intervenant mine ainsi l’inclination qui enferme dans la seule répétition du même et tend à (re)déposer devant un monde qui change d’apparence. Comme aimait à le rappeler Bachelard, seuls les transformations par le feu sont des changements profonds, rapides, merveilleux, définitifs. Le pyromène est le premier phénomène qui vaille l’attention de l’homme tant il trouble la connaissance monotone des objets. Il traverse nombre d’activités scolaires (discussions à visée philosophique, découverte du monde physique, histoire de l’homme et des sciences, éducation artistique…) et réconcilie sujet et objet par ses retentissements multiples et reliés.


Récapitulation

Cette orientation présente l’avantage d’être conciliable avec une multitude de thèmes qui accompagnent tout au long de l’année le déroulement de la classe. Si nous avons privilégié pour agir la didactique des sciences, c’est en raison d’une situation pour le moins paradoxale. L’enseignement de cette discipline, on le sait, est au programme depuis 1867. Pourtant, peu d’élèves à ce jour profitent réellement de ce savoir devenu dominant. Malgré les efforts et appels à éduquer mieux, les résultats ne répondent guère aux attentes. Pareil insuccès, alors que la société se scientifise de plus en plus, est non seulement contradictoire mais aussi très embarrassant. En misant sur la formation initiale et continuée des professeurs (plus particulièrement ceux du premier degré), nous pensons nous donner les moyens de contrer cette résistance au changement. Pour augmenter nos chances de succès, nous avons exploité le contexte actuel de crise, lequel incite à recadrer sur ce qui est dorénavant décisif. Attendu que davantage de complexité s’impose partout, cela suggère de l’explorer en trans pour patienter activement quelque révolution paradigmatique. Nous avons alors retenu une des extensions du préfixe, actuellement porteuse dans le champ de la pédagogie : la notion de transfert d’apprentissage. En dépit de son instabilité épistémologique, elle mérite d’être davantage instrumentée au sein de la classe et accompagnée dans le cadre de la formation. Pour y parvenir, nous avons préconisé des ajustements préalables au niveau des convictions sous-jacentes et proposé de rassembler autour d’une définition renouvelée. Les pistes dégagées à renfort du pyromène bachelardien et du modèle allostérique d’apprentissage confortent quant à la faisabilité de cette mise en œuvre. Le bien fondé semble d’ailleurs en être confirmé à l’éclairage d’un dernier prélèvement de conceptions chez le groupe enseignant.


Alain PEYRONNET
Docteur en Sciences de l'Éducation (Université Lyon 2)
et Philosophie de l’existence (Université Dijon),
enseignant en cycle 3 en Auvergne, France

Jean-François TRESSOL
ATER à l’IUFM d’Auvergne
Clermont-Ferrand, France.


Notes

1 Celui-ci a pour leitmotiv la disjonction cartésienne sujet/objet. Cette dernière se prolonge en traversant de part en part l’univers (Âme/Corps, Esprit/Matière, Qualité/Quantité, Finalité/Causalité, Sentiment/Raison, Liberté/Déterminisme, Existence/Essence).

2 Depuis 1989, on réclame un regroupement des niveaux de classes en cycles, un travail des enseignants en équipe, un projet d’école clarifié et un recentrage de l’attention sur le fonctionnement cognitif de l’élève. Pourtant, au delà d’une adaptation du vocabulaire, presque rien de structuré n’est réellement mis en place.

3 IUFM (Institut Universitaire de Formation des Maîtres).


Références

Ouvrages

Atlan Henri - À tort et à raison, Intercritique du mythe et de la science, Paris : Ed. du Seuil, 1986.

Avanzini Guy - Immobilisme et novation dans l’éducation scolaire, Ed. Privat, coll. Nouvelles recherches, 1975.

Bachelard Gaston - La psychanalyse du feu, Gallimard, 1949 (1ère édition en 1938).

Bachelard Gaston - La formation de l’esprit scientifique, Paris :Vrin, 1938.

Bracke Danièle - Vers un modèle théorique du transfert. Le rôle des affordances, des catégories et des modèles mentaux, Thèse de doctorat, Université de Montréal, 1998.

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Mendelsohn Patrick - Le transfert des connaissances ; la pierre philosophale de l’enseignant, colloque international sur le transfert des connaissances en formation initiale et continue, Université Lyon II, 29 septembre 1994.

Morin Edgar - La méthode (4) : les idées,, Paris : Ed. du Seuil, 1991.

Nicolescu Basarab, La transdisciplinarité, manifeste, Monaco, Editions du Rocher, Collection "Transdisciplinarité", 1996.

Perrenoud Philippe - Construire des compétences dès l’école, Paris, ESF, 1997.

Rey André - Dictionnaire historique de la langue française, Éd. LE ROBERT, 1992.

Tardif Jacques - Le transfert des apprentissages, Montréal, Les Éditions Logiques, 1999.

Toupin Louis - De la formation au métier, Paris, ESF, 1995.


Articles

Astolfi Jean-Pierre et Laurent Sabine - "Le transfert, enjeu des apprentissages", Cahiers pédagogiques, n° 304-305 : 2 (1992), 78-83.

Higelé Pierre - "Le transfert en éducabilité ", Revue Française de Pédagogie, n° 122 (1998), 38-45.

Jonnaert Philippe, Laveault Daniel - "Évaluation de la familiarité de la tâche : quelle confiance accorder à la perception de l’élève ?", Revue des Sciences de l’Éducation, 20 : 2, (1994), 271-292.

Peyronnet Alain - "Vous avez dit « trans »", Les Cahiers Pédagogiques, n° 408 (2002), 15-17.

Peyronnet Alain, Tressol Jean-François - "Chimie contre magie", Les Cahiers Pédagogiques, n° 409 (2002), 48-51.

Tardif Jacques et Meirieu Philippe - "Stratégies pour favoriser le transfert des connaissances", Vie pédagogique, n°98 (1996), 4-7.

Tressol Jean-François - "Dessine-moi le transfert", Les Cahiers Pédagogiques, n° 408 (2002), 17-19.


Bulletin Interactif du Centre International de Recherches et Études Transdisciplinaires n° 18 - Mars 2005

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